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TRUCS D’UNE EXPERTE EN IMMOBILIER DURABLE POUR RENDRE SA MAISON PLUS ÉCOLO

La question de la durabilité s’est frayée un chemin au coeur de toutes les conversations pendant le temps d’arrêt imposé par la pandémie. Comment retrouver notre quotidien en y instaurant des habitudes plus saines pour notre santé et pour la planète ? Par où commencer pour rendre notre chez-soi plus écologique ? On a posé la question à Cécile Bulle, professeure à l’UQÀM et spécialiste en immobilier durable. Elle étudie le cycle de vie des bâtiments afin d’établir des solutions pour les rendre plus efficaces énergétiquement. 

Est-ce que c’est dispendieux d’avoir une maison durable ?

C’est un mythe que j’aime bien déboulonner. Je ne pense pas que construire plus durable  coûte forcément plus cher. Ça coûte plus cher à l’achat, mais très souvent, ce sont des mesures qui vont se rembourser à plus long terme. Quand on a quelque chose de plus durable, on utilise moins de matériaux. On utilise moins d’énergie en le bâtissant. On fait plein d’économies sur différents aspects. J’aime bien donner l’exemple de l’auto électrique: à l’achat, ça coûte plus cher. Donc effectivement, il faut débourser plus quand on l’achète. Par contre, l’utilisation ne coûte quasiment rien parce qu’on n’a pas besoin d’acheter d’essence et l’électricité coûte énormément moins cher. Donc, si on regarde sur le cycle de vie complet de la voiture, les coûts du cycle de vie, ça coûte moins cher à l’utilisateur d’avoir une voiture électrique par kilomètre. […] Les gens ne réalisent pas qu’ils investissent pour économiser ensuite. Je pense que c’est cette perception là qu’il faut modifier. C’est à dire que si on commence à évaluer avec toutes les subventions que donne le gouvernement, les bénéfices, par exemple de changer un système de chauffage qui fonctionne à l’huile ou de mieux isoler un bâtiment, c’est moins cher qu’on pourrait le croire. 

Par où commencer pour rendre une maison plus durable ? 

La première chose à faire, c’est vraiment réfléchir à tout ce qui est l’étanchéité de la maison. Il y a des tests d’infiltrométrie qui sont très pertinents, parce qu’ils nous permettent de connaître performance en termes d’étanchéité du bâtiment. Le spécialiste qui viendra faire ce test pourra aussi vous proposer une série de mesures qui permettront d’améliorer l’enveloppe et d’éviter d’avoir toutes ces fuites d’air qui sont responsables de la perte d’efficacité énergétique du bâtiment. C’est certain qu’on peut toujours rénover un bâtiment pour le rendre plus performant. C’est toujours possible d’aller refaire son enveloppe ou de réfléchir à comment améliorer la performance des fenêtres. On devrait également choisir des matériaux en réfléchissant à leur empreinte environnementale complète. Réfléchir, par exemple, au fait que le bois capte du CO2, ce qui fait en sorte que c’est un matériau qui est pertinent et qui est très durable parce que on est en train de réduire activement les gaz à effet de serre. 

Qu’est qu’on devrait garder en tête lorsqu’on cherche ou construit une nouvelle maison ?

Quand on se déplace, on se déplace souvent d’un bâtiment à un autre. Donc, choisir l’emplacement du bâtiment est très important parce que ça va favoriser ce qui est le plus important impact en termes de gaz à effet de serre au Québec, c’est à dire les déplacements. On a un risque très important, à mon avis, d’augmenter l’étalement urbain et de voir des gens qui vont s’éloigner de la ville et du coup, devoir se déplacer encore plus au quotidien. Bien réfléchir à l’emplacement du bâtiment et réfléchir la conception des quartiers et des communautés pour avoir beaucoup de chose à portée de main pour limiter l’utilisation de l’automobile est très stratégique dans l’immobilier durable.

On peut également considérer la conception solaire passive. Ça veut dire quoi? Ça veut juste dire qu’on réfléchit un peu à la conception du bâtiment, mais surtout à son orientation pour faire en sorte de faire entrer le plus possible d’énergie solaire de manière complètement passive. Avec beaucoup de vitrages au sud, avec une bonne masse thermique dans le bâtiment, avec des ombrages pour faire en sorte de ne pas avoir de surchauffe en été. On a conçu le bâtiment un petit peu différemment. On l’a orienté un petit peu différemment. Par contre, en terme de gains environnementaux, c’est énorme parce que on coupe énormément sur la consommation d’énergie et sur les factures qui pourraient aller avec. 

Qu’est-ce que vous appelez les solutions « éco-sexy » ?

Les solutions éco sexy, ce sont les solutions qui semblent durables, qui coûtent très, très cher et qui, souvent, sont très peu efficaces. Les gens ont à l’esprit un bâtiment dans lequel il y a des panneaux solaires, un toit vert, une éolienne. Ça vaut quand même la peine, mais il y ne reste pas moins que ce ne sont pas forcément les mesures les plus pertinentes à mettre en œuvre en contexte québécois.


Quelles sont les ressources à notre portée ?

J’invite les gens à aller voir Transition énergétique Québec. On y offre énormément d’incitatifs pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et les mesures qui sont proposées sont super pertinentes. Il y a des incitatifs financiers pour améliorer les systèmes de chauffage, pour améliorer l’isolation des bâtiments, pour avoir une auto électrique etc… On peut aussi faire appel à des spécialistes pour faire l’analyse d’efficacité énergétique d’un bâtiment, aller faire un test d’infiltrométrie et ça vient ensuite avec toute une série de recommandations qui sont spécifiques au bâtiment. Ça fait partie des choses pour lesquelles il y a des incitatifs. À mon avis, c’est probablement la mesure qui coûte le moins cher et qui est très efficace. 

Je pense qu’après cette crise de la COVID, on a une opportunité, justement, d’écouter la science. Il y a une énorme volonté des gens à changer les choses. Il faut qu’on travaille tous ensemble à accompagner cette transition et à donner la bonne direction par rapport à ces enjeux. 


Il faut savoir que 40% des gaz à effets de serre à travers le monde sont émis par nos bâtiments. Au Québec, on parle plutôt de 10% puisqu’on bénéficie d’une énergie propre comme l’hydroélectricité. Selon Cécile Bulle, il n’en est pas moins important d’évaluer la durabilité de nos propriétés. L’énergie épargnée pourrait être utilisée dans le transport ou être exportée vers d’autres provinces pour y réduire l’utilisation d’énergies fossiles. Et c’est sans parler des économies pour les propriétaires! 

*Cette entrevue a été raccourcie pour les besoins de ce blogue.

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